Devrait-on dénoncer le système scolaire ?

Selon Jacques Delors (1996), l’éducation du XXIème siècle devait reposer sur deux piliers : apprendre à être et apprendre à vivre ensemble. Apprendre à être, parce que l’éducation doit inclure l’apprentissage des droits de l’homme comme le moyen approprié pour contribuer au développement global de la personne afin que celle-ci atteigne son plein épanouissement. Apprendre à vivre ensemble, parce que grâce à la participation responsable de chaque personne, dans l’exercice de ses droits et devoirs, on doit construire une société plus étique et plus juste.
Or, quand on analyse le modèle éducatif qui prévaut en 2016, nous voyons que ses caractéristiques ne sont pas conformes à ce qui est exposé ci-dessus puisque, en gros, il consiste à enfermer dans une classe un groupe d’enfants du même âge pour qu’ils développent exactement les mêmes activités, en écoutant un enseignant parler de ce qu’il connaît plutôt que de ce qui pourrait les intéresser ou de ce qu’ils ont besoin d’apprendre pour être et pour vivre ensemble dans la société.
Autrement dit, nos systèmes scolaires semblent essayer de modeler les élèves à un modèle particulier de coexistence, et non à une harmonieuse cohabitation entre une variété de personnes d’âges et d’aptitudes diverses, développant des chemins qui leur sont personnels et collaborant entre eux pour s’aider mutuellement et en tant que groupe. Le contraire serait un Modèle d’Éducation Inclusif, auquel on fait allusion, une fois de plus et après l’échec des Objectifs du Millénaire pour le développement 2000-2015 (le 2ème des 8 objectifs consistait à assurer l’Éducation primaire pour tous), dans le 4ème des nouveaux 17 Objectifs de Développement durable pour 2030, qui consiste à : « Garantir une éducation inclusive, équitable, de qualité, et qui promeut les opportunités d’apprentissage durant toute la vie et pour tous ».
D’un autre côté, nous vivons dans la culture de la compétitivité. Cela n’est pas nécessairement négatif, mais nous devons être conscients que la compétitivité a de fortes chances de se convertir en une force destructrice. Si nous pensons aux conséquences de cela par rapport à l’esprit de l’être humain, nous pouvons conclure que cette version négative ne nécessite pas d’empathie, c’est-à-dire de comprendre les besoins ou les émotions des autres. En conséquence, nous mesurons les personnes avec une échelle de résultats et non depuis une échelle de valeurs. Comme nous ne pensons pas au développement entier et complet de nos enfants, nous ne pensons pas à long terme, en ce sens que nous fixons des objectifs très spécifiques, jamais adaptables aux nécessités d’un apprentissage entier et d’un développement intégral. En effet, la dimension socio-émotionnelle de la personne est un élément crucial à prendre en compte dans un système éducatif orienté vers le développement intégral de l’élève. Or, on privilégie la compétition et les résultats académiques. Ainsi, en 2016, nos écoles conservent des dynamiques dans lesquelles toutes les activités d’enseignement sont préparées en réponse aux protocoles du programme, où ce qui compte en premier est la définition de quelques objectifs qui seront considérés comme de simples indicateurs quantitatifs.
Une des conséquences négatives du fait de ne pas prendre en considération toutes les dimensions humaines de l’éducation – intellectuelle, sociale, affective, émotionnelle, morale et spirituelle – se retrouve dans la manifestation de modèles de conduite anti-sociaux et agressifs qui conditionnent le comportement humain. La compétition excessive peut engendrer de l’exclusion, laquelle à son tour peut engendrer de la violence, et en particulier un type de violence sectaire qui se répand aujourd’hui dans le monde entier, générant également une grande confusion conceptuelle à propos de l’identité personnelle.
Bien que des propositions pour essayer de remédier à ces situations aient été faites, presques toutes se sont limitées à changer des aspects qui affectent uniquement l’académique. Mentionnons les propositions pour annuler les évaluations, pour supprimer tout type de devoirs, ou pour ajuster le niveau d’exigence de toute la classe pour éviter les comparaisons. Malgré cela, les dynamiques sociales actuelles et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) font que les enfants continuent à rivaliser entre eux, désormais exclusivement centrés sur des comparaisons personnelles qui peuvent dériver en comportements de violence à l’école et de harcèlement sur internet. En bref, nous sommes face à un système scolaire accroché à une structure obsolète qui a montré ses évidentes limites et avec des problèmes croissants pour réussir le développement d’une Citoyenneté Mondiale Humanisée.
Face à cette situation, et devant la passivité des institutions qui connaissent la situation depuis des années sans y remédier, le rappeur Prince EA en est venu à dénoncer le système scolaire. Une vidéo que nous vous invitons à regarder en classe et pour laquelle nous vous conseillons de recueillir les réactions des élèves (même si cela pourra avoir des conséquences… ils auront peut-être la même opinion, mais s’il vous plaît, informez-nous de ce qui se passe dans vos classes).
En résumé, le système éducatif actuel reproduit des schémas de désavantage social, dont certains se sont accentués depuis l’arrivée des nouvelles technologies dans nos vies (le même rappeur dénonce la perte de la « Human Touch »). C’est pourquoi il nous semble nécessaire de changer les bases de ce système, ainsi que la formation du corps enseignant : assouplir les propositions didactiques qui permettent l’intégration d’une formation continue en valeurs humaines, introduire des dynamiques qui favorisent la coopération et le travail en équipe, utiliser des méthodologies centrées sur le développement intégral de la personne… Tout cela, à partir d’un principe : que l’Intérêt Supérieur de l’Enfant soit l’une des principales considérations.

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