Des enfants touchés par la lèpre au 21ème siècle, nous ne pouvons pas détourner le regard
Il y a quelques mois, j’ai été invité à un événement de l’Ordre Militaire et Hospitalier de Jérusalem. Fondé au temps des croisades, cet ordre se consacre aux activités hospitalières sous toutes ses formes, du parrainage de bourses d’études de la lèpre au don de matériel médical à des hôpitaux du monde entier, en passant par la réalisation d’œuvres de charité de toute sorte en faveur des groupes défavorisés.
Les fonds collectés à l’occasion de cet événement étaient destinés à l’association Fontilles, dont la mission pincipale est d’en finir avec la lèpre et ses conséquences. Pour cela, l’Ordre développe des projets de coopération sanitaire et d’investigation et réalise des séminaires de formation spécialisée et des activités de sensibilisation.
J’ai été surpris d’apprendre que cette maladie n’est toujours pas éradiquée au 21ème siècle, ni la stigmatisation sociale et les conséquences qu’elle a sur les enfants. Je suis donc très reconnaissant à l’association Fontilles pour son travail de sensibilisation sur ce problème, et à Yolanda Sanchis Villar, Directrice de communication, pour cet article.
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Il y a des maladies dont on ne parle pas mais qui touchent plus d’un milliard de personnes dans le monde. Ce sont celles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) appelle les Maladies Tropicales Négligées, et qui ont des caractéristiques communes : on peut les éviter et les traiter efficacement mais comme elles se trouvent dans des contextes de grande pauvreté, les personnes atteintes n’ont accès ni aux médicaments, ni aux soins de santé adéquats. Infirmité et stigmatisation accompagnent ceux qui en souffrent. Parmi ces maladies, on en trouve une ancienne très connue : la lèpre, qui, contrairement à une croyance populaire, est toujours présente dans la vie de tous les jours de beaucoup de personnes dans plus de 100 pays.
Un nouveau cas de lèpre est diagnostiqué toutes les deux minutes, et sur cent personnes atteintes, presque neuf sont des enfants de moins de 14 ans.
Les enfants représentent 8,5% des nouveaux cas de lèpre détectés dans le monde, selon les chiffres officiels de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l’année 2016. Face à cela, on ne peut pas détourner le regard : Pourquoi continue-t-on à les laisser souffrir des conséquences physiques et sociales d’une maladie qui aujourd’hui peut se soigner ? Pourquoi n’ont-ils pas accès au traitement et à l’attention dont ils ont besoin ?
La raison se trouve dans le manque de ressources économiques qui sont nécessaires pour prendre soin de ceux qui en sont atteints, ces derniers faisant partie des plus pauvres de notre planète. Également, dans le manque de structures sanitaires dans de nombreux pays, ce qui empêche de disposer de chiffres réels sur l’ampleur du problème et, sans cette information, il est très difficile de pouvoir faire face à la lèpre de manière efficace. Et enfin, dans la forte stigmatisation qui accompagne la lèpre et qui fait que les personnes atteintes continuent de se cacher ou d’être cachées par leurs familles.
En conséquence, les malades atteints de la lèpre arrivent dans les hôpitaux avec d’importantes infirmités et parmi eux de plus en plus d’enfants, ce qui indique qu’il continue à y avoir des contagions et que la maladie n’est pas contrôlée.
La lèpre cause beaucoup de souffrance à ces enfants, beaucoup d’entre eux présentent déjà d’importantes infirmités au moment du diagnostic. L’infirmité, en plus de la stigmatisation que provoque la lèpre, fait que souvent ils se voient obligés d’abandonner leurs études, les condamnant ainsi à un avenir de pauvreté. Nous devons améliorer la détection proactive et précoce pour prévenir ces tragiques conséquences.
L’OMS a fixé pour 2020 l’objectif de zéro infirmités dans les nouveaux diagnostics d’enfants (causés par la lèpre). La Fondation Fontilles et les associations membres de la Fédération Internationale des Associations contre la Lèpre (ILEP, selon ses initiales en anglais) ont repris à leur compte cet objectif et nous luttons pour que cela devienne une réalité. Nous avons besoin que tous s’impliquent et que toutes les sociétés sachent ce qui se passe afin de réparer cette injustice. La lèpre peut être soignée et nous ne pouvons pas continuer à trouver au 21ème siècle des enfants souffrant tous les jours de ses terribles conséquences physiques et sociales.
Pour atteindre cet objectif, nous avons besoin d’accéder aux communautés les plus pauvres et les plus éloignées, et travailler :
- Avec des campagnes de détection active de la lèpre, puisque, du fait de la stigmatisation et de la marginalisation, les malades ne se rendent pas de leur plein gré aux services de santé.
- Pour que les malades atteints de la lèpre aient accès à des services de santé ayant la formation et la capacité de répondre à leurs besoins.
- Pour aider les personnes atteintes à surmonter la maladie dans tous ses aspects : physique, mental, social et économique.
- Eviter le manque d’engagement politique à en finir avec la lèpre, et la diminution des ressources économiques et humaines qui en découle.
- Former le personnel de santé à détecter et à traiter la lèpre.
- Consacrer des moyens économiques à l’investigation de méthodes de diagnostic précoce afin d’éviter les infirmités, un vaccin qui rende possible l’éradication de la lèpre, trouver les réservoirs du germe…
- La lutte contre la stigmatisation et la marginalisation dont souffrent les personnes atteintes de la lèpre doit être une de nos priorités, puisqu’on rencontre d’importants obstacles à l’heure du diagnostic et du traitement de cette maladie.
- La lèpre étant une maladie liée à la pauvreté, il faut améliorer les conditions de vie des populations.
Comment pouvons-nous y contribuer ?
En plus de soutenir économiquement ceux qui travaillent dans le soin aux personnes atteintes de la lèpre, nous pouvons contribuer en éliminant de notre vocabulaire les mots et expressions qui contribuent à alimenter la légende noire autour de cette maladie et à perpétuer la stigmatisation qui l’accompagne.
On utilise souvent le mot « lèpre » comme le synonyme de quelque chose de négatif, sale ou maudit, ou le terme « lépreux » de façon péjorative quand on veut exprimer des sentiments d’isolement et de marginalisation.
La fréquence à laquelle on a utilisé ces termes de cette manière les a fait se fixer dans notre langue et a fait se perpétuer non seulement la stigmatisation et la discrimination envers les personnes atteintes de la lèpre, mais aussi les mythes et les malentendus à propos de cette maladie. Chaque fois que nous utilisons le mot « lépreux », nous incorporons des idées du passé, des images d’isolement et de peur de la contagion, ce qui entretient ce cercle vicieux. Deux à trois millions de personnes vivent avec des infirmités liées à la lèpre, mais pour elles, la stigmatisation et la discrimination peuvent être pires que la maladie elle-même.
Auteur: Yolanda Sanchis Villar, Directrice de communication de Fontilles
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